Coût biologique de la résistance métabolique aux insecticides due à une variation génomique chez Anopheles funestus, vecteur majeur du paludisme au Cameroun
C’est sur ce thème que Tientcheu Claudine Raissa, a soutenu son mémoire de master en Biologie des Organismes Animaux, le lundi 19 septembre 2022, à la Faculté des Sciences de l’Université de Yaoundé I.
Le pourquoi de l’étude
Dans ces travaux de recherche, Tientcheu Claudine Raissa explique le fait que les stratégies de gestion de la résistance aux insecticides à l’instar de la rotation de produits ayant des modes d’action différents reposent sur l’hypothèse que la résistance aux insecticides serait associée à un coût biologique pouvant retarder la propagation des allèles de résistance au sein des populations de vecteur en absence de pression de sélection. Toutefois, en raison de l’absence des marqueurs moléculaires, le coût biologique associé à la résistance métabolique reste peu étudié, d’où son intérêt d’évaluer l’impact d’un variant génomique (l’insertion de 4,3Kb au locus CYP6P9 (4,3Kb-CYP6P9)) sur les traits de vie et sur l’infection à plasmodium spp. chez Anopheles funestus dans le but d’améliorer la lutte antivectorielle.
Des constats ont été faits
Les résultats ont montré que les moustiques de génotype homozygote résistant (RR) ont une fécondité réduite comparée à celle des homozygotes sensibles (SS) (RC = 4,3 ; (IC) 95% : 1,9-9,7 ; P = 0,0002) et à celle des hétérozygotes (RS) (RC = 3,4 ; IC 95% : 1,7-6,5 ; P = 0,0001). De même, il a été observé chez ces moustiques résistants une forte mortalité larvaire par rapport à leurs homologues SS (RC = 2,6 ; IC : 1,2-5,5 ; P = 0,002), bien qu’un avantage des hétérozygotes ait été noté concernant la vitesse de développement comparativement aux homozygotes résistants (RC = 9,3 ; IC : 4,5-18,6 ; P < 0,0001) et sensibles (RC = 15,4 ; IC : 5,2-39,3 ; P < 0,0001). Cependant, il a été noté que les moustiques de génotype RR pour le variant génomique 4,3Kb-CYP6P9 vivent plus longtemps que les moustiques de génotypes SS (RC = 3,9 ; IC : 1,7-8,8 ; P = 0,001) et RS (RC = 2,6 ; IC : 1,4-5,02 ; P = 0,003). En outre, il a été observé que les moustiques hétérozygotes sont plus susceptibles à l’infection plasmodiale que les homozygotes résistants (RC = 8,9 ; IC : 3,03-24 ; P < 0,0001) et sensibles (RC = 2,8 ; IC : 1,5-5,5 ; P = 0,002). Tout ceci montre que la résistance causée par cette insertion a un coût sur la fécondité et la survie larvaire des moustiques résistants, supportant l’hypothèse que la résistance aux insecticides serait associée à un coût biologique chez les vecteurs du paludisme. Toutefois, l’avantage qu’ont les moustiques résistants en termes de survie des adultes représente une menace sérieuse pour la lutte contre le paludisme.
Délibération du jury à la fin de la soutenance
Recommandations
Au terme de son travail, Tientcheu Claudine Raissa conseille aux populations d’Elende et d’Obout l’usage généralisé et quotidien de moustiquaires qui limitent la transmission du paludisme. Elle recommande aux chercheurs, la mise sur pied de nouveaux marqueurs de la résistance métabolique qui permettront de détecter assez rapidement ce type de résistance sur le terrain et d’étudier le coût biologique qui y est associé afin de mieux contrôler cette résistance ; sans oublier l’approfondissement des recherches sur l’impact de la résistance métabolique sur les traits de vie et la dynamique de transmission du plasmodium chez les vecteurs majeurs du paludisme. L’exhortation qu’elle lance à l’endroit des pouvoirs publics est celle de l’intensification des programmes de lutte antivectorielle par le biais des moustiquaires imprégnées d’insecticides et des pulvérisations intra-domiciliaires d’insecticides (PID) à effet rémanent. Par la suite, elle soutient qu’une stratégie de gestion de la résistance basée sur la rotation d’insecticides pourrait contribuer à lutter efficacement contre le paludisme compte tenu du coût de la résistance observé sur certains traits de vie d’Anopheles funestus.
Perspectives
Pour le compte de ses travaux à venir, Tientcheu Claudine Raissa envisage ; étendre cette étude à d’autres localités et à d’autres marqueurs de résistance métabolique afin d’avoir une vue à grande échelle sur le coût biologique de la résistance métabolique ; étudier la restauration de la sensibilité en absence de pression d’insecticides pour la résistance due au variant génomique 4,3Kb-CYP6P9 ; évaluer l’implication potentielle des mutations compensatrices du coût de la résistance aux insecticides.