Le paludisme reste un problème majeur de santé publique en Afrique. Cette situation a ses raisons que les chercheurs s’emploient à décomplexifier.
En 2019, le monde a totalisé environ 229 millions de cas de Malaria; pour un total 409 000 décès enregistrés durant la même année. Les enquêtes menées indiquent que les principales victimes sont les enfants de moins de cinq ans. Le rapport 2019 de l’Organisation mondiale de la santé(OMS), indique que dix-neuf pays d’Afrique subsaharienne et l’Inde ont concentré quasiment 85 % du nombre total de ces cas de paludisme. 6 pays à eux seuls ont enregistré plus de la moitié des cas. Le Nigéria (25 %), la République démocratique du Congo (12 %), l’Ouganda (5 %); la Côte d’Ivoire, le Mozambique et le Niger avec 4 % chacun.
Comme dans de nombreux autres pays d’Afrique, les moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée (MILDA) et la pulvérisation intra-domiciliaire d’insecticide à effet rémanant constituent les principales mesures de prévention dans tous ces pays. Néanmoins, ces options de lutte contre les moustiques sont confrontées au défi de la résistance de ces derniers aux insecticides.
A titre d’illustration, il convient de dire qu’une énorme perte de performance des moustiquaires à base de pyréthrinoïdes et de butoxyde de pipéronyle dans une population résistante « d’Anopheles funestus s.s. » a été récemment observée dans le sud du Mozambique ; pays d’Afrique australe. De même, une étude en Afrique de l’Ouest, plus précisément au Burkina Faso a démontré que la résistance accrue « d’Anophèles gambiae » était liée à la faible efficacité des moustiquaires à base de pyréthrinoïdes uniquement. Au Tchad, pays de la zone Afrique centrale, une étude menée sur « Anopheles Coluzzii » a permis de constater des résultats similaires. Dès lors, les chercheurs sont unanimes sur le fait qu’à moins que cette super-résistance ne soit bien gérée, les acquis enregistrés en matière de réduction de la transmission du paludisme pourraient être compromis. Ce qui aura des conséquences terribles.
En utilisant le protocole de l’Organisation mondiale de la santé pour l’évaluation de la résistance, le Dr Magellan Tchouakui, entomologiste médical au CRID, a rapporté dans une étude très récente menée en Ouganda une forte intensité de la résistance aux pyréthrinoïdes, entraînant une réduction significative de la performance des moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée. Le chercheur relève que cette baisse de la performance a été observée également pour les moustiquaires de seconde génération. L’analyse moléculaire a révélé une surexpression significative des gènes de détoxification notamment de la famille des cytochromes P450 à l’instar du CYP9K1, du CYP6P9a et du CYP6P9b. Cependant, aucune association n’a été observée entre l’expression de ces gènes et l’aggravation de la résistance. Ce qui laisse croire que d’autres mécanismes de résistance contribuent à cette résistance accrue. Un tel niveau de résistance aux pyréthrinoïdes en Ouganda pourrait avoir des conséquences terribles sur l’efficacité des interventions à base d’insecticides et des mesures urgentes devraient être prises pour empêcher la propagation de la super-résistance chez les vecteurs du paludisme. Le défi contemporain des chercheurs du CRID est de continuer à surveiller la résistance dans d’autres pays d’Afrique et de conduire des analyses moléculaires plus poussées dans le but de mieux élucider les mécanismes à la base de cette résistance accrue.