Ces travaux de Tekoh Theofelix Anyerengu s’intéressent à la caractérisation des profils de résistance et à la compréhension des bases moléculaires sous-jacentes propres à la résistance aux carbamates dans une population d’Anopheles funestus de laboratoire ; de la souche Fumoz.
Les objectifs spécifiques de cette étude sont très précis. Premièrement, il a été question d’évaluer le niveau de sensibilité des produits du croisement de deux colonies d’Anopheles funestus de laboratoire ; une résistante (Fumoz) et une sensible (Fang) aux carbamates. Deuxièmement, il s’est agi d’évaluer la corrélation entre le CYP6P9a et le marqueur de résistance, l’insertion de 6,5 kb, chez Anopheles funestus, en insistant sur la capacité à survivre à l’exposition aux carbamates. Troisièmement, il fallait confirmer le rôle de la surexpression du CYP6P9a sur la résistance aux carbamates en évaluant la sensibilité des mouches transgéniques Drosophila melanogaster chez qui le gène introduit a été surexprimé. Ici, l’exposition de mouches transgéniques surexprimant uniquement le CYP6P9a aux carbamates vise à montrer que ce gène peut conférer indépendamment une résistance aux carbamates. De cette étude, il est ressorti que les moustiques hybrides des souches Fumoz et Fang qui exprimaient le CYP6P9a étaient résistants aux insecticides à base de carbamate (0,1% de propoxur et 0,1% de bendiocarbe). Une forte association a été observée entre le gène CYP6P9a, l’insertion de 6,5 kb et la capacité d’Anopheles funestus à survivre à l’exposition aux carbamates, en particulier le génotype homozygote.
Les résultats des tests sur les moustiques hybrides vivants après exposition à des insecticides à base de carbamate ont montré que le gène n’est pas induit et que l’expression normale de ce gène peut conférer une résistance aux carbamates chez les moustiques. Cette étude a permis de confirmer que ce gène peut être utilisé comme outil de diagnostic pour suivre la résistance d’Anopheles funestus aux carbamates. De nombreux facteurs ont influencé et déterminé le choix de cet axe de recherche qu’a menée Tekoh Theofelix. En 2017, le Programme National de Lutte Contre le Paludisme (PNLP) a révélé qu’au Cameroun, le paludisme est responsable d’environ 13% du total des décès annuels, 58% des cas d’hospitalisation et environ 30% de la population avait au moins un épisode de paludisme chaque année. Les stratégies de lutte antivectorielle basées sur l’utilisation d’insecticides ciblent les moustiques anophèles femelles. Ces stratégies de contrôle se sont avérées être le moyen le plus efficace dans le cadre de la lutte contre le paludisme permettant de réduire d’environ 663 millions les cas de maladie entre 2000 et 2015.
Le PNLP reconnaît qu’en 2016, la lutte contre le paludisme au Cameroun a connu une intensification significative avec des interventions de lutte antivectorielle; ceci grâce à la distribution des Moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’action (MILDA). Au cours de cette même période, les scientifiques ont affirmé que l’efficacité de ces outils de contrôle à base d’insecticides est menacée par l’émergence des résistances observées chez les principaux vecteurs du paludisme dans les pays africains, dont le Cameroun.Cette recherche vient mettre la lumière sur le rôle du gène P450 CYP6P9a et l’insertion de 6,5 kb dans la résistance aux carbamates. Elle a été réalisée par une mise en corrélation du phénotype de résistance aux insecticides d’avec ces deux éléments. La finalité de ces travaux dans un futur lointain sera de fournir un test basé génétique permettant de suivre et de surveiller sur le terrain toute émergence et, ou augmentation de la résistance aux carbamates chez Anopheles funestus. Cela contribuera au développement d’outils appropriés de gestion de la résistance aux insecticides.