Les chercheurs du CRID au rendez-vous du donner et du recevoir. Cette année, la conférence annuelle de l’Association panafricaine de lutte contre les moustiques (Pamca)-Cameroun a donné à ses participants l’opportunité de réfléchir de manière critique sur la qualité des recherches qu’ils entreprennent. Le CRID a activement contribué au succès de ces travaux.
Yvan Gaétan Fotso Toguem, Doctorant
“Polymorphisme du gène CYP6M2, gène impliqué dans la résistance métabolique chez les anopheles gambiae de Yaoundé, Cameroun”.
La propagation rapide de la résistance aux insecticides, principalement causée par une sélection liée, dans les populations d’anophèles, à l’utilisation abusive et non appropriée de pesticides agricoles ainsi que la large distribution des Moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (Milda), constitue une menace majeure pour l’efficacité des outils de lutte contre le paludisme. En Afrique, une surexpression d’un Cytochrome P450, le CYP6M2, a été associée à la résistance à la Perméthrine, principal insecticide utilisé pour l’imprégnation des moustiquaires dans de nombreuses études. Toutefois, les mutations génétiques susceptibles de moduler l’expression de CYP6M2 chez anopheles gambiae restent inconnues. Dans cette étude, les moustiques appartenant à l’espèce anopheles gambiae ont été collectés à Nkolondom dans la région du centre au Cameroun. Des tests de susceptibilité aux insecticides ont été effectués pour déterminer leur niveau de résistance. La réaction en chaîne par polymérase quantitative (qPCR) a été utilisée pour mesurer le niveau d’expression du CYP6M2. Ce gène et sa région promotrice (5’UTR) ont été amplifiés et séquencés pour l’analyse du polymorphisme.
Les résultats ont révélé des niveaux élevés de résistance à la Perméthrine chez les populations sauvages d’anopheles gambiae, avec un recouvrement partiel de la sensibilité après une préexposition au synergiste Pipéronyle Butoxide (PBO). L’analyse d’un fragment de 930 paires de bases (bp) de la région 5’UTR du gène CYP6M2 a révélé une faible diversité d’Haplotypes, 70 sites polymorphes, ainsi qu’une délétion de 8pb, tandis que l’analyse de 1 500 pb du gène CYP6M2 a montré une grande diversité d’Haplotypes, avec 92 sites polymorphes et une mutation non-synonyme A392S. Cependant, aucune forte association n’a été observée entre le polymorphisme de ce gène et sa surexpression. Ce travail fourni des données préliminaires importantes qui pourront être utiles pour toute étude sur l’identification de marqueurs de résistance pour ce gène.
Amen N. Fadel, chercheur post-doctoral au CRID
“Exploration des mécanismes moléculaires sous-jacents à l’aggravation potentielle de la résistance aux insecticides chez un vecteur majeur du paludisme, anopheles coluzzii au Nord du Cameroun”.
Une résistance élevée aux pyréthrinoïdes et une importante perte d’efficacité du Butoxide de Pipéronyle (PBO), un inhibiteur des Cytochromes P450 contenu dans les moustiquaires imprégnées à longue durée d’action a été récemment observée chez anopheles coluzzii à Gounougou dans la région du Nord Cameroun. L’intensité de la résistance et les mécanismes moléculaires sous-jacents à son aggravation ont été étudiés chez ce vecteur majeur du paludisme du Nord du Cameroun.
Des moustiques femelles gorgées de l’espèce anopheles gambiae sensu lato ayant pris leur repas de sang la veille à l’intérieure des habitations ont été collectées à Gounougou en août 2019 et forcées de pondre des œufs. L’infection à Plasmodium chez 77 femelles F0 (progéniture collectée sur le terrain) a été détectée avec succès par la technique qPCR TaqMan. Les profils et l’intensité de la résistance ont été établis.
Des mesures de l’effet de préexposition aux synergistes Maléate de diéthyle pour le Dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) et du Pipéronyle Butoxyde pour la Perméthrine ont été effectuées. Anopheles coluzzii était le seul vecteur du paludisme collecté à Gounougou avec un taux d’infection à Plasmodium falciparum de 3,89 %. Une résistance élevée à la Perméthrine et à la Deltaméthrine a été observée chez les femelles F1. Une résistance intense aux Pyréthrinoïdes a été obtenue avec une exposition à 5 fois et 10 fois les concentrations discriminantes de la Perméthrine. Une résistance élevée au DDT et une résistance modérée au Bendiocarbe ont été observées, tandis qu’une sensibilité totale au Malathion a été obtenue. Les tests biologiques sur des mélanges synergiste (Maléate de diéthyle, un inhibiteur des Glutathion S-transférases) / insecticide ont permis un rétablissement partiel de la sensibilité à la Perméthrine et au DDT, impliquant les Glutathion S-transférases dans l’expression de phénotype résistant dans la population testée. Les tests avec préexposition au synergiste PBO ont permis un rétablissement significatif de la sensibilité avec une mortalité accrue pour les tests de sensibilité à 5 fois et 10 fois les concentrations discriminantes de la Perméthrine. Le séquençage de l’acide ribonucléique ou ARN a identifié le Glutathion S-transférase epsilon2 et cytochrome P450s (GSTe2 et CYP6Z2) comme les gènes métaboliques les plus couramment surexprimés chez les moustiques résistants aux Pyréthroïdes par rapport à la souche sensible “Ngousso” de laboratoire.
Une fréquence élevée de la mutation kdr 1014F a été observée chez les femelles F0, contrairement à une faible fréquence des autres mutations kdr 1014S et 1575Y. Aucune mutation ace-1 n’a été détectée dans les populations résistantes au Bendiocarbe, suggérant une résistance plutôt de type métabolique. La détection des gènes de résistance métabolique GSTe2 et CYP6Z2 fortement surexprimés dans les populations de terrain pourrait expliquer l’aggravation de la résistance, appelant à la prudence dans la mise en œuvre de la gestion de cette résistance.
Binyang Jérôme Achille, Doctorant
“L’allèle L1014F est associé à une faible prévalence et à une faible intensité des sporozoïtes de plasmodium dans les glandes salivaires du moustique Anopheles coluzzii”.
La résistance aux Pyréthrinoïdes chez les moustiques vecteurs en Afrique est une menace pour la lutte contre le paludisme. Cependant, dans le contexte d’escalade de la résistance aux insecticides, très peu d’informations sont disponibles sur l’impact de ce phénomène sur le développement du parasite du paludisme chez son vecteur. Cette étude explore donc l’impact de la mutation L1014F (knockdown résistance « kdr») sur l’évolution du sporozoïte de Plasmodium falciparum dans les glandes salivaires des espèces de moustiques anopheles coluzzii.
Il a été observé que le taux d’infection parmi les moustiques vivants s’élevait à 74,47%. En outre, le taux d’infection selon le génotype kdr a montré que la prévalence des infections était élevée chez les homozygotes sensibles (SS) par rapport aux homozygotes résistants (RR). L’intensité de l’infection était plus élevée chez les moustiques SS que chez les moustiques RR. La surexpression du trio récepteur des glandes salivaires était associée à l’intensité de l’infection chez les moustiques SS par rapport à RR.
Pour cette étude, des moustiques résistants ont été collectés à des stades immatures sur des sites de reproduction et croisés avec une souche sensible de laboratoire (souche Ngousso). Des femelles de la troisième génération (F3) âgées de 3 à 5 jours ont été infectées expérimentalement avec des isolats naturels de parasites. La prévalence de l’infection (proportion de moustiques infectés) et l’intensité (nombre de sporozoïtes de Plasmodium falciparum dans la glande salivaire) chez les moustiques femelles ont été évaluées à l’aide du test qPCR et une comparaison a été faite entre les moustiques porteurs les uns de génotypes résistants et les autres sensibles à la mutation Kdr. Le niveau d’expression de certains récepteurs des glandes salivaires du plasmodium tels que : Trio, Saglin, Cspbp, Sgs4 et Sgs5 ont été évalué chez les individus porteurs de l’allèle RR, RS et SS. Ces analyses ont permis de conclure que la prévalence de l’infection est plus faible chez les RR et les RS que chez les SS. L’expression des gènes codant pour les récepteurs de protéines sporozoïtes dans les glandes salivaires est sous-exprimée chez les RR et les RS par rapport aux SS.